[Printemps 1999]
Sous la direction de France Choinière et Yves O’Reilly, Oxford, Dazibao, les essais. 1998.
C’est à l’occasion du centenaire de la première photographie du Suaire de Turin prise par Secondo Pia, que Dazibao a organisé ce projet, La face, dont l’ouvrage qui nous intéresse ici constitue un des volets. Le momentum créé par cette fabuleuse image aura servi également de point de départ à deux expositions – Pour une quête de l’emblématique et Pour une saisie du photographique. Ces événements avaient, on s’en souviendra, suscité beaucoup d’intérêt par l’originalité de leur thème mais aussi pour le choix des œuvres présentées. Ce recueil de textes démontre, une fois de plus, comment cette mystérieuse relique constitue une prémisse riche menant à de multiples orientations. S’inspirant de ce moment photographique, le texte de Chantal Boulanger constitue certainement une pièce de réflexion importante sur le médium. Elle y propose une relecture de la notion d’aura qui s’intègre bien au métissage actuel des genres et des médiums : «L’aura n’aurait donc plus rien à voir avec l’unicité de l’image, mais bien plutôt avec la magie qui en émane. Plus qu’une icône, l’œuvre devient assise pour le rituel, réceptacle pour le déploiement de la valeur de culte de l’objet, laquelle serait concomitante au désir de voir au-delà.[…] En d’autres termes, l’aura en tant que croyance». Sylvie Parent raconte, quant à elle, le parcours tumultueux du Saint Suaire et de la photographie qui le révéla, en analysant cette aventure par le biais des notions de médiation et de médiatisation. «En raison, nous dit-elle, de toutes les dimensions qu’elle comporte, de tout ce qu’elle donne à penser et à ressentir, c’est bien l’image photographique qui a pris la place du Suaire, qui représente le nouveau Suaire». Ce recueil mériterait certes qu’on s’y attarde plus longuement. Les quelques phrases de Michaël La Chance sur ces traces numériques qui nous suivent à notre insu, sont d’une efficacité déconcertante. Nous y retrouvons également des textes de Marie Fraser, Jean Dumont, Sylvain Campeau et Luce Des Aulniers.
Cet ouvrage est le troisième de la collection les essais chez Dazibao : sont déjà parus en 1996 Portrait d’un malentendu et en 1997 De la minceur de l’image. Il faut souligner l’intérêt et la qualité de ces publications qui contribuent de manière importante à la diffusion d’une pensée critique à l’égard du médium photographique.