Serge Clément, Persona – Mona Hakim

[Été 2000]

Galerie Occurrence
du 16 mai au 18 juin 2000

par Mona Hakim

Fort actif ces dernières années sur la scène européenne, Serge Clément, dont la production est d’une importance non négligeable au sein de la photographie québécoise, expose trop peu ici. Son passage récent chez Occurrence était donc bienvenu. Ceux qui s’attendaient à un accrochage copieux d’images, dans la lignée des carnets de voyage de l’artiste, en ont été quittes pour une exposition nettement plus sobre, voire dépouillée.

Pour Persona, Clément a privilégié le mode installatif. Des images en négatif sur support translucide drapent les immenses fenêtres de la galerie. Aux cimaises, quatre photographies à bonne distance l’une de l’autre, respirent d’aise sur leur vaste surface d’accueil. Plus à l’écart, et risquant de passer inaperçue, une œuvre repose dans la vitrine longeant le corridor qui mène à la galerie interceptant avec justesse les reflets de l’observateur devant la vitre.

En tenant compte du site physique d’exposition, Clément exacerbe son vocabulaire usuel truffé de surfaces réfléchissantes, d’atmosphères ténébreuses, de mirages et de repères architecturaux. De fait, le paysage extérieur où domine la façade de l’Église St-James se superpose de belle façon aux images des fenestrations d’où émergent – avec peut-être même trop de retenue – ce qui semblent des fondations d’édifices abandonnés. En revanche, les photographies cadrées possèdent une telle densité de noir, qu’elles captent littéralement notre regard autant qu’elles accentuent le mystère autour des intrigants personnages et statuettes sous leur décor nocturne. Qui sont-ils ? Qui est ce jeune garçon au veston trop grand posté à la manière d’un pantin ?

Clément a visiblement renforcé l’ambiguïté optique de ses œuvres. Lieux anonymes, effets en trompe-l’œil et interférences des plans photographiques font que nous ne sommes jamais certains de rien. Pourtant la place du spectateur est éminente. Dans le prolongement de l’église extérieure, qui sert ici de pierre angulaire au projet, les anatomies archaïques gravées dans la pierre, êtres intemporels et fondations en forme de catacombes constituent une sorte de site mortuaire porteur d’une charge dramatique et méditative. Un lieu où les formes se transmuent au gré de nos déplacements (plus précisément celles fixées aux fenêtres et celles derrière la vitrine), où les interstices muraux entre les photographies (pour peu que l’on adhère à cet accrochage minimal) sont des passages obligés vers l’introspection.

En nous positionnant comme sujet qui interpénètre dans les strates mêmes de l’image, Serge Clément apporte une dimension pragmatique inexistante dans ses séries antérieures où villes et passants, saisis furtivement, se font distants et inaccessibles. Voilà bien en quoi l’installation, inhabituelle chez lui, prend ici toute sa pertinence et son attrait.