[Printemps 2008]
Bamako 2007
7es Rencontres Africaines de la photographie, Bamako
22 novembre – 10 décembre 2007
Cette année, les Rencontres de Bamako ont débuté sur un rêve formulé les yeux ouverts par Simon Njami1, commissaire général de l’événement pour la quatrième fois consécutive : «Que Bamako devienne vraiment la capitale de la photographie africaine». Treize ans déjà que la biennale bamakoise existe tant bien que mal, faute d’un ancrage local suffisamment affirmé, treize ans déjà que cet événement unique en son genre contribue en dépit de ses contradictions à la visibilité de la photographie africaine.
Deux mille sept nous offre une programmation beaucoup plus resserrée (avec moitié moins d’artistes) et plus équilibrée que les précédentes. L’intérêt de l’exposition internationale ayant pour thème «Dans la ville et au-delà2 tient à la variété des œuvres présentées, dévoilant toutes les tendances de la photographie africaine contemporaine, du reportage en noir et blanc à la photographie couleur plasticienne. Elle tient aussi à sa scénographie confiée à la Tunisienne Mémia Taktak qui déjoue avec élégance les défauts d’un espace trop exigu. Ce manque d’espace (et de préparation?) conduit par ailleurs à l’absence de panneaux explicatifs dans la plupart des lieux d’exposition et de textes consistants dans le catalogue (hormis la biographie des artistes).
Certains photographes majeurs en font les frais, comme la Sud-Africaine Jodi Bieber, auteure d’une série bouleversante de portraits, Las Canas, accompagnés à l’origine d’un texte essentiel à leur réception. Autre temps fort de l’exposition, la série «Mémoire» de Sammy Baloji, outre un mode de présentation discutable (sur une bâche en toile cirée à l’extérieur), est victime de la censure locale qui n’a retenu qu’un tiers de ses photomontages panoramiques qui revisitent la mémoire coloniale du Katanga, en république démocratique du Congo.
Grande nouveauté de 2007, dans un volet intitulé «Nouvelles images», les Rencontres s’ouvrent plus largement à la vidéo d’art. Mais le site d’exposition, La Pyramide du Souvenir, est loin d’être idéal, ce qui conduit au sabordage malheureux de dix œuvres vidéo présentées, quand cela fonctionne, dans une cacophonie étouffante. Le festival off de Bamako, installé dans une sorte de friche industrielle rebaptisée les Quartiers d’Orange (en référence à la célèbre marque de télécommunications, principal commanditaire du lieu), accueille plus modestement une série de vidéos produites lors d’une résidence artistique proposée par la Fondation Blachère (qui oeuvre pour la promotion de la création contemporaine en Afrique).
D’autres belles initiatives marquent cette biennale, comme d’inviter la Finlande à présenter ses nouveaux talents, avec la complicité de la commissaire nigériane Bisi Silva ou de rendre hommage à deux photographes programmés en 2005 et récemment disparus: le Malgache Armand Seth Maksim et Serge Jongué, originaire de Guyane, mais Montréalais d’adoption de 1974 jusqu’à sa mort, dont l’œuvre est à redécouvrir en urgence.
Pour finir, la biennale, toujours plus contemporaine, ne renie pas pour autant ses «stars» de la première heure, en consacrant une rétrospective à l’autoportraitiste Samuel Fosso, révélé aux Rencontres en 1994, et qui reste, avec Seydou Keita et Malick Sidibé, l’un des photographes africains les plus prisés du marché de l’art international. Dernier Lion d’or à Venise, Malick Sidibé n’est pas en reste : la biennale lui a réservé quelques surprises, dont une visite médiatisée dans son célèbre studio de Bagadadji et une soirée festive intitulée «Soyez Sidibé», assortie d’un concert et d’un défilé de mode, dans un décor conçu entièrement en s’inspirant de l’œuvre du photographe «ambianceur» de Bamako.
Au-delà d’une certaine photographie africaine trop souvent réduite à des clichés du passé (suivez mon regard!), le jury des Rencontres de Bamako a choisi cette année d’encourager la jeunesse. Outre les prix remis à Sammy Baloji, Nontsikelelo «Lolo» Veleko et Aida Muluneh, auteure d’une vision noir et blanc tout en finesse sur l’Éthiopie, mentionnons Saidou Dicko, berger poète qui photographie les ombres à l’infini et le reporter mozambicain Calvin Dondo3 aux cadrages résolument contemporains. Des artistes à suivre que l’on espère retrouver prochainement sur les cimaises canadiennes.
1 Simon Njami (cofondateur de la Revue Noire, commissaire d’Africa Remix et du Pavillon africain à Venise) œuvre depuis des années à la reconnaissance de l’art contemporain africain en Europe, à l’instar d’Okwui Enwezor en Amérique du Nord, dont l’exposition-manifeste sur la photographie contemporaine africaine «Snap Judgments» est présentée ces jours-ci au Musée des beaux-arts d’Ottawa.
2 Présentée au Musée National du Mali, dans la salle d’exposition temporaire, jusqu’au 23 décembre 2007, avant de voyager dans plusieurs villes du monde (principalement en Europe). Catalogue Bamako 2007 VIIes Rencontres Africaines de la Photographie, Dans la ville et au-delà, Éditions Marval, 2007, 272 pages.
3 À qui l’honneur revient d’illustrer cette année la couverture du catalogue et l’affiche des Rencontres.
Historienne, spécialiste de la photographie en Afrique de l’Ouest, Erika Nimis enseigne à l’UQAM. Elle a récemment publié aux éditions Karthala Photographes d’Afrique de l’Ouest. L’expérience yoruba.