[Hiver 2013]
Des essais
Light Years: Conceptual Art and the Photograph, 1964-1977 (Chicago: Art Institute of Chicago; New Haven: Yale University Press, 2012; edited by Matthew S. Witkovsky, 264 pp., Eng.) Covering mainly the 1960s and 1970s and accompanying the eponymous exhibition at the Art Institute of Chicago (December 2011 to March 2012), this book makes an important contribution to the advancement of discourse on the role of photography in the evolution of conceptual art. It reinforces the idea of the pre-eminence of photography as a visual medium essential to establishing the heritage of art as information. In addition to being a catalogue raisonné, the book contains essays that explain the theoretical foundations of the exhibition and reference the principal historical writings in this current. Other essays explore five formal and thematic trends guiding artists in their photography-based practices: the camera and the canvas; the body and the surface of the sculpture; performances and their stories; multiple and double images; and the self and society.
D’abord paru en anglais chez mit Press en 2001, ce volumineux ouvrage de Lev Manovich Le langage des nouveaux médias (Dijon, Les presses du réel, 2011, 606 p., fr.) regroupe plusieurs articles antérieurement publiés et traite d’un sujet difficile parce que encore au stade de la nouveauté aujourd’hui. Au moyen d’une étude portant sur plusieurs œuvres, l’auteur analyse la généralisation de l’informatique qui leur est intrinsèque et l’impact de l’avènement du numérique sur les productions culturelles actuelles dont il repère dans l’histoire les prémisses esthétiques. Ainsi, tout en s’en différenciant, les nouveaux médias se rattacheraient à des formes expressives plus anciennes. Manovich en retrace ici l’origine dans la peinture, le cinéma, la télévision et la photographie. S’inspirant de la théorie du cinéma, littéraire et de la sociologie, il livre un ouvrage exceptionnel mettant à profit son expérience en technologie des nouveaux médias et en science informatique qui risque fort d’intéresser autant les artistes concepteurs que les chercheurs.
Shoot! La photographie existentielle (Les Rencontres d’Arles, Berlin, Revolver Publishing, 2010, 120 p., fr., angl., all.) S’inspirant de l’une des attractions de foire en vogue après la Première Guerre mondiale et qui consistait à « se tirer une photo de soi-même » plutôt que de tirer sur une cible, cette publication tente de restituer la portée symbolique de ce geste issu de l’industrie du divertissement. Un stand de « photo shooting » montre bien que les verbes « charger », « viser » et « tirer » outre l’action mortelle qu’ils évoquent, engendrent aussi une image. Ici l’autoportrait permet de voir que l’attrait calculé du jeu réside dans l’égocentrisme, le duel avec soi-même, l’autodestruction et la sensation trouble d’être son propre bourreau. Plusieurs portraits de personnalités du milieu artistique prises en ces lieux forains sont illustrés dans l’ouvrage.
Des revues
La revue Africultures, « Perspectives africaines en photographie » (n° 88, Paris, L’Harmattan, 256 p., fr.) constitue un dossier de premier ordre dirigé par Érika Nimis et Marian Nur Goni. L’ouvrage fait le bilan de vingt ans d’intérêt porté à la photographie africaine et tente d’entrevoir ses perspectives sur les plans de la production, de la diffusion et de l’archivage. On y analyse notamment l’avènement du numérique et ses nouveaux enjeux dans la pratique photographique, la perception de la photographie africaine aux États-Unis et le positionnement de celle-ci par rapport au photojournalisme. Près d’une trentaine d’auteurs ont collaboré à l’ouvrage en tant que collectionneurs, commissaires, chercheurs et galeristes.
Des monographies
L’ouvrage d’Edward S. Curtis, Les Indiens d’Amérique du Nord (Cologne, Taschen, 2012, 576 p., fr.) est la somme colossale d’une vingtaine de portfolios rassemblés en autant de volumes résultant d’une vie d’observation consacrée à l’étude des Premières Nations indiennes d’Amérique du Nord entre 1868 et 1952. On y retrouve les photogravures de près de 80 tribus réparties sur un territoire allant du Mexique à l’Alaska provenant du fonds de photographies de l’auteur. La réédition de cet outil de référence essentiel à l’histoire d’abord paru en 1997 et construit selon trois catégories propres à l’ethnographie et à l’anthropologie nous renseigne sur des aspects importants de la vie quotidienne, des coutumes, de la religion, de la mythologie, de la médecine et des cérémonies pratiquées par ces tribus. En ce sens, l’ouvrage montre aussi comment en informant minutieusement, les photographies de Curtis ont également servi à l’avancée des connaissances scientifiques.
Le titre d’Arnaud Claass Le réel de la photographie (Paris, Filigranes Éditions, 2012, 344 p., fr.) ne tente pas de définir un réel confirmé par les images. D’entrée de jeu, l’auteur révèle : « Les images sont des objets auxquels nous aimons croire, mais aussi ne pas croire ». De cette contradiction naissent des relations de nature fluctuante, paisible ou encline à la discorde. C’est ce qui enchante, stimule ou défait notre rapport au visible. L’auteur, également photographe, s’applique comme un marcheur à nous montrer les chemins de la photographie aux prises avec les métamorphoses de l’actualité et leurs « effets de réalité ». Il mentionne divers enjeux sur un ton parfois polémique qui contribuent judicieusement à mettre en question ce réel photographique. Le livre s’appuie de plus sur de nombreux exemples d’œuvres historiques et contemporaines.
Personae Pierre Dalpé (Montréal, les Éditions Cayenne, 2012, 144 p., fr., angl.) couvre vingt-deux années de production depuis 1990 jusqu’à nos jours de l’artiste Pierre Dalpé. L’ouvrage met en lumière l’ensemble des portraits qu’il a réalisés le plus souvent en double, en combinant photographie analogique et numérique. Son travail interroge la représentation en jouant sur les limites du photoreportage et de la mise en scène. Ainsi, ce sont surtout des notions d’identité, de performatif, de corps et d’artifice qui sont ici explorées dans des contextes variés urbains, marginaux et non conformistes.
Sonia Pelletier est coordonnatrice à l’édition du magazine Ciel variable.