[Été 2021]
Par Sylvain Campeau
[Extrait]
La pratique artistique de Chih-Chien Wang s’est d’abord caractérisée par un recours croisé aux médiums de la photographie et de la vidéographie. Aussi peut-il paraître incongru d’aborder son travail sous l’angle de la nature morte. Il n’en reste pas moins que des allusions à ce genre reviennent sans cesse, sans qu’elles n’aient jamais inspiré aux analystes et critiques à en faire plus que ça, justement, une allusion.
Assemblages du quotidien. À regarder les images, on est rapidement convaincu que cette référence n’est pas gratuite. Aliments, fruits, végétaux y occupent une grande place. Il arrive que la composition baigne dans un certain dépouillement ; les éléments sont isolés, au centre de l’image. On pense aux séries Cabbage Flower (2011), Pineapple (2011), Apple After Shaore (2014), aux images Sad et Happy de la série Orange (2014) et j’en passe. Ou aux ensembles complétés par des éléments domestiques: Grape and Tea Bag (2005), Banana in a Glass (2005), Watermelon, Coffee and Detergent (2009), White Cans and Pineapple (2009). Puis à des scènes plus complexes : Oranges, a Glass Ball and Shadows (2016), Pomegranates, Plastic Packaging and Wood (2016), Stems and Orange Peels on Cardboard (2020).
La nature morte. Selon Charles Sterling, spécialiste du genre, « Une authentique nature morte naît le jour où un peintre prend la décision fondamentale de choisir comme sujet et d’organiser en une entité plastique un groupe d’objets1 ». Ceux-ci correspondent souvent à la catégorie des aliments domestiques.
Il a fallu plusieurs variantes pour en venir à cette définition englobante, minimale : cose naturali (« choses naturelles ») chez Giorgio Vasari, à la fin du XVIIe siècle; stilleven, vers la même époque en Flandre, pour désigner des «pièces de fruits, fleurs, poissons» ou des «pièces de repas servis»; bodegón, du terme bodega (« lieu de rangement alimentaire »), utilisé pour décrire l’antichambre dans les caves de tavernes modestes en Espagne…
Suite de l’article et autres images dans le magazine : Ciel variable 117 – DÉCALÉ