Se réapproprier les œuvres visuelles, comme on réinterprète les œuvres d’un répertoire : ici, une sculpture de Rodin, des autoportraits de photographes célèbres et une pièce de théâtre dont l’écriture est fictivement attribuée à un auteur d’une autre époque. Juger que, parmi toutes les œuvres qui existent, celles-là résonnent encore suffisamment aux yeux et aux oreilles des contemporains pour justifier le réamorçage de leur charge interrogative ou dénonciatrice. Que disent-elles, ces œuvres qui passent d’abord par un réinvestissement corporel et performatif avant de se voir transposées en images dans un environnement installatif ?
ADAD HANNAH ET DENYS ARCAND
Les Bourgeois de Vancouver
La rencontre de ces deux artistes produit ici quelque chose d’assez étonnant : une mise en récit des préoccupations formelles de l’un alliée à une mise en tableau du dispositif narratif du second. Prenant sa source dans une sculpture monumentale de Rodin, à laquelle Hannah porte un intérêt tout particulier, l’œuvre transpose une allégorie de la nation bourgeoise en une représentation de sa dissolution à l’ère de la mondialisation des marchés.
avec un essai de Sébastien Hudon
CHUCK SAMUELS
The Photographer
Samuels revisite l’histoire de la photographie en s’identifiant à la figure du photographe telle qu’elle s’est manifestée dans une série d’autoportraits qui sont parmi les plus marquants de l’histoire. Il le fait en recréant les poses et les expressions des différents photographes, puis en substituant son propre visage aux leurs. Une façon peut-être de lester d’un peu d’histoire le selfie contemporain, mais surtout de témoigner d’une riche tradition et de s’en réclamer.
avec une entrevue réalisée par Chuck Samuels
ALTHEA THAUBERGER
Marat Sade Bohnice
Ici, une sorte de vertige : avec la reprise d’une pièce de théâtre de Peter Weiss, supposément écrite par Sade et interprétée par des patients de l’asile de Charenton, lieu où Sade a lui-même mis en scène et écrit un certain nombre de pièces. Cette œuvre, Thauberger la fait rejouer par une troupe et des patients de l’Hôpital psychiatrique Bohnice, à Prague, ce qui nous entraîne dans un tourbillon d’époques où s’entremêlent folie, internement, assassinat et révolution.
avec un essai de Geneviève Chevalier
Jacques Doyon