Gathering Clouds. Une histoire de la photographie à travers les nuages — Bruno Chalifour

[Hiver 2021]

Par Bruno Chalifour

[Extrait]
Après des mois d’une pandémie mondiale, se retrouver la tête dans les nuages peut paraître désirable, tout du moins fournir une agréable distraction. C’est ce que propose le musée George Eastman avec son exposition principale Gathering Clouds1. Programmée avant l’arrivée de la COVID-19, elle occupe les deux grandes salles d’exposition du musée ainsi qu’une troisième petite salle attenante, consacrée à une vidéo de 27 minutes par Berndnaut Smilde documentant l’évolution de masses nuageuses. Comme son sous-titre le suggère, Gathering Clouds, Photographs from the Nineteenth Century and Today se présente en deux sections distinctes, chacune affectée à une des deux grandes salles. La première aborde le problème que posait la réalisation d’un paysage photographique au 19e siècle. Étant donnée la nature orthochromatique des supports photographiques d’alors, il était impossible d’obtenir simultanément un rendu acceptable d’un paysage et de son ciel. Les deux principales solutions qui s’imposèrent, du fait de leur commodité et du contrôle qu’elles rendaient au photographe, consistaient soit à réaliser deux prises de vue séparées avec des expositions distinctes (une pour le sol, l’autre pour le ciel) et à les assembler en chambre noire, soit de dessiner ou peindre des nuages à même le négatif du paysage obtenu ou directement sur le tirage. Ces techniques étaient facilitées par le fait que beaucoup de photographes d’alors avaient reçu une formation de peintre. Une des conséquences de ces deux techniques fut que les photographes constituèrent des réserves de clichés de nuages qu’ils réutilisaient pour des vues différentes. Ces pratiques sont clairement illustrées dans la première partie de l’exposition. Succédant à cette première pièce au contenu historique et éducatif, la deuxième est organisée autour de 24 Équivalents réalisés par Alfred Stieglitz dans les années 1920 et 1930. Ils occupent le secteur central. Autour de ces clichés censés exprimer métaphoriquement les états psychologiques et philosophiques de leur auteur, une compilation d’œuvres d’auteurs contemporains occupe les murs. Par comparaison avec la première salle, le contenu de la deuxième semble plutôt consacré au divertissement, y compris esthétique, qu’à des intentions éducatives.

Salle 1: «Photographies du 19e siècle». Comme l’atteste sa thèse de doctorat de 2017, la commissaire de l’exposition, Heather Shannon, est une spécialiste de la photographie américaine du 19e siècle. À l’exception d’une vidéo de 54 minutes sur moniteur grand format réalisée en 2020 par Penelope Umbrico à partir de 218 détails de ciel de photographies extraites des archives du musée (grains, poussières et égratignures inclus), l’essentiel de cette salle d’exposition est consacré à des images d’époque réalisées par les Le Gray, Barnard, Muybridge, et autres Emerson ou Robinson.

Suite de l’article et autres images dans le magazine : Ciel variable 116 – PAYSAGES MIROIRS