Luc Bourdon. Jouer avec les images et les sons — Nicole Gingras

[Automne 2021]

Un entretien dirigé par Nicole Gingras

[Extrait]
Figure majeure de l’art vidéographique et du cinéma au Canada, Luc Bourdon a travaillé avec différents organismes indépendants au Québec, dont Vidéographe, Productions Réalisations Indépendantes de Montréal (PRIM), le Cinéma Parallèle et le Festival du nouveau cinéma de Montréal. Depuis les années 1980, il a réalisé une cinquantaine d’œuvres – documentaires, fictions, expérimen­tations –, plusieurs d’entre elles prenant pour sujet les arts et la culture, tout en accordant une place importante à l’histoire et à la mémoire. En 2021, à partir de la collection du Vidéographe qui célébrait son 50e anniversaire, il a élaboré Les Vidéographes, une série de programmes diffusés pendant un an au Québec, au Canada et sur la scène internationale. Elle a servi de prétexte à cette dis­cussion autour de la vidéo, du cinéma, de l’écriture, du montage.

Nicole Gingras : Quel a été ton tout premier contact avec la vidéo ?
Luc Bourdon : Techniquement, c’est en 1975 : à mon école secon­daire, je tourne une première fois en vidéo, avec l’aide d’un kit Portapak. Toutefois, ma véritable rencontre avec la vidéo se pro­ duit une journée d’été de 1982 alors que je la passe à filmer une lettre vidéo dédiée à un artiste parti vivre à Paris. En soirée, je me glisse dans la salle de montage du Vidéographe et peaufine ma lettre jusque tard dans la nuit. La lettre fait 20 minutes. Cette nuit­-là, je me souviens d’avoir découvert la liberté du médium vidéo, face à un outil qui permet de regarder autrement et de cap­ ter le temps d’une autre manière. La possibilité de dire « je vois » et de jouer avec les images et les sons.

N.G. : S’adresser à une personne à distance, établir un lien intime avec l’autre grâce aux mots sont des stratégies qui caractériseront tes œuvres. Parle-­moi de cet intérêt.
L.B. : J’ai toujours aimé les mots. Je les ai aimés pour leur sonorité, leur originalité, leur pouvoir d’évocation. J’ai aimé les voix qui redonnent toute la grâce aux mots, par exemple celles de Luc Caron, de Jean­-Pierre Ronfard, de Marie Cardinal récitant leurs textes.

Je lis au quotidien depuis l’âge de sept ans alors que mon père a mis La Presse devant moi en me disant qu’il était temps de savoir ce qui se passait dans le monde. J’aime écrire des lettres, des correspondances vagabondes et nomades, des carnets de voyage ou de nombreux textes dans la marge de mon ordinateur. Je prends soin de répondre à mes courriels comme s’il s’agissait de télé­ grammes à bien formuler. Je suis un artisan d’images en mouve­ment qui a dû écrire pour expliquer et valider ses idées de création…

 

Suite de l’article et autres images dans le magazine : Ciel variable 118 – EXPOSER LA PHOTO