Dana Claxton, Portraits & Regalia — Skeena Reece, C’est de l’amour ou une photographie

[Été 2022]

C’est de l’amour ou une photographie – tout dépend du point de vue
Par Skeena Reece

[Extrait]

The Mustang Suite est une série qui dépasse la seule question de la mobilité, bien qu’il s’agisse d’un excellent point de départ pour vous présenter ces œuvres de Dana Claxton : des images où se trouvent d’authentiques modes de transport font partie de l’intention d’origine des photographies. J’y vois une combinaison de vêtements d’aujourd’hui et de véhicules d’hier, de peinture faciale traditionnelle et de moyens de locomotion actuels. Dana nous offre un généreux éventail de délicieux rouges griotte et de regards pénétrants. L’ensemble évoque une invitation et une posture affirmée. Elle est une artiste qui convie et revendique ; on peut tout à la fois se sentir dynamisés et remis à notre place. Dana, c’est tout cela : elle est sereinement et indubitablement résolue dans son objectif de nous pousser à réfléchir à ce que nous connaissons et à ce que nous pensons connaître sur l’art autochtone. Elle est une défricheuse pour tous les artistes.

Rouge, pouvoir rouge, sang rouge, voir rouge, rouge sacré des quatre directions, rouge sexy : la couleur a toujours été omniprésente à travers l’histoire, dans la peinture faciale et dans le sang versé au nom de la conquête du territoire et des peuples. Le rouge est profond. Ce coloris indéniablement puissant est présent dans toute l’œuvre de Dana : une façon d’incarner le pouvoir ? La régénération ? Tout dépend du point de vue, mais c’est comme ça que je le vois. Je suis artiste et mère ; je m’appelle Skeena Reece. Je vis sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, je suis Tsimshian/Crie/Métis, et j’ai grandi à Prince Rupert et à Vancouver. Je connais Dana de très longue date. Je suis honorée de vous parler de son travail. Même si vous ne faites que lire cet article, vous y participez. Ce que vous voyez et lisez est interprété par votre regard, votre esprit et vos origines. D’où vous venez est une dimension importante dans votre perception de l’œuvre de Dana. Si vous n’avez pas grandi dans le respect des tenues cérémonielles (ce que l’on appelle les régalia) et de la peinture traditionnelles, il se peut que vous ne saisissiez pas toute la valeur de ses images. Oui, son travail exige que vous vous penchiez sur le sujet qu’elle aborde. La beauté de celui-ci fait partie intégrante de l’intentionnalité de l’artiste. La beauté autochtone1, au sens où la définit Shadae Rose Johnson, ne fait pas référence à la physicalité de la chose, mais à l’intention qui se cache derrière. Vivre avec la terre et respecter nos objets et cérémonies culturels fait partie de nos beaux usages. Dana fait de l’art à contre-courant d’une administration déficiente des populations, de l’exploitation des ressources et de tout ce qui est antithèse des principes de son éducation visant à comprendre le monde qui l’entoure. Plutôt que de baisser pavillon devant les assauts de l’adversité, elle crée, malgré vous, irréfutable. Sa pratique ne se déploie pas malgré ces difficultés, ou à cause d’elles, mais parce que c’est ce qu’elle connaît. On peut voir certaines œuvres comme liminales, une manière de créer le malaise, même pour des Autochtones aguerris portant la régalia…
Traduit par Frédéric Dupuy

1 « Indigenous Beauty », table ronde avec Skeena Reece et Ray Natraoro, animée par Shadae Rose Johnson, Vancouver Art Gallery, 31 janvier 2022.

 
[ Numéro complet, en version papier et numérique, disponible ici : Ciel variable 120 – FIGURES D’AFFIRMATION ]
[ L’article complet et plus d’images, en version numérique, sont disponibles ici : Dana Claxton, Portraits & Regalia — Skeena Reece, C’est de l’amour ou une photographie ]