[Automne 2022]

Par Daniel Canty

Écrans motiles
Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2021, 280 p.

[Extrait]
Motilité. C’est le qualicatif que Sylvain Campeau choisit de convoquer pour le titre de son plus récent livre, Écrans motiles. Si, comme moi, vous vous le demandiez, le terme est emprunté aux sciences du vivant, où il décrit la faculté d’un organisme – de l’amibe jusqu’à nous – à se mouvoir par échange d’énergie avec son milieu. La mobilité est, par contraste, l’expression d’un mouvement dans l’espace. Il s’agirait donc de distinguer entre une volition du corps, et une autre, plus intimement nouée à l’extériorisation de la psyché. La motilité porterait la marque d’une action sans réelle intériorité, qui manifeste pourtant tous les signes de l’autonomie. Campeau métaphorise le terme, tentant d’en étendre la portée jusqu’en ces lieux d’indétermination de l’art actuel, aux confins de l’émotion humaine et du monde inanimé, où la lumière même semble pulser d’une vie propre.

Plus prosaïquement, Écrans motiles est un tressage d’études sur les pratiques d’une panoplie d’artistes contemporains – principalement québécois, mais aussi canadiens et internationaux¹ – qui, chacun à leur manière, composent avec les moyens, techniques et narratifs, d’un « cinéma étendu² », pour créer des espaces et des expériences autres. Les œuvres abordées auraient en commun de déborder des limites traditionnelles de la projection, ou des préceptes d’une certaine narrativité cinématographique. Puisant leurs supports – camera obscura, photo, cinéma, vidéo, numérique – et leurs formes dans l’éventail complet de l’histoire de l’image, elles remettraient en cause le rôle dominant de l’écran dans l’expérience de l’image en mouvement…