Éditorial

[Automne 1999]

par Franck Michel

Pour souligner le Mois de la Photo à Montréal et la fin du millénaire, CVphoto propose pour son n° 48 un bilan de la photographie québécoise des années 90.

Des textes de Martha Langford et Mona Hakim ainsi qu’une entrevue d’Élène Tremblay par Jennifer Couëlle viennent brosser un portrait de cette décennie qui fut particulièrement riche pour la photographie et pleine de promesses pour son avenir.

Au cours de cette dernière décennie, la place de la photographie dans le champ de l’art contemporain n’a cessé de croître au Québec comme ailleurs. De plus en plus d’artistes ont intégré le médium photographique à leur pratique et les photographes ont poursuivi leur ascension, amorcée au début des années 80, dans les sphères de l’art contemporain. Cet engouement pour la photographie s’accompagne pour les artistes québécois d’une reconnaissance internationale de plus en plus manifeste qui n’est plus réservée seulement à quelques artistes privilégiés. Appréciés pour l’originalité et la grande qualité de leur production, ils sont maintenant plusieurs, tels Jocelyne Alloucherie, Raymonde April, Nathalie Caron, Serge Clément, Donigan Cumming, Alain Paiement, Roberto Pellegrinuzzi, a être régulièrement invités à participer aux grandes biennales de photographie que ce soit en France, au Portugal, en Espagne, en Angleterre ou au Japon1. Leurs œuvres circulent dans les galeries et les musées à travers le monde et font partie de nombreuses collections.

Paradoxalement, plusieurs de ces artistes reconnus internationalement, ne sont représentés par aucune galerie au Québec. Le travail de promotion et de logistique est donc effectué par les artistes eux-mêmes, par certains centres d’artistes qui jouent le rôle de diffuseurs internationaux en leur absence, par quelques rares marchands d’art ou encore par des galeries étrangères. Quant aux musées, je vous renvoie aux critiques que je leur avais adressées dans mon éditorial du n° 41 (hiver 97) et du n° 45 (hiver 99). Cette situation étrange à laquelle les artistes doivent faire face joue évidemment en leur défaveur et met un frein à un rayonnement qui pourrait s’avérer encore plus large. Saluons au passage le Conseil des arts du Canada qui fait de la diffusion son nouveau cheval de bataille pour les années à venir et dont le support ne pourra qu’améliorer une situation précaire. La gestion de la diffusion ne sera pas réglée pour autant et je vous laisse imaginer la place qu’occuperait la photographie québécoise à l’étranger si un centre d’exposition, un musée dynamique ou des galeristes — ou pourquoi pas les trois — veillaient à sa diffusion… !

La valeur des artistes d’ici n’étant plus à prouver, il est certain qu’une plus grande prise en charge de la diffusion nous permettrait de consolider et d’agrandir notre présence à l’étranger. Je pense donc qu’il serait tout à fait souhaitable, dans un proche avenir, que l’on fonde un centre international de la photographie qui ne serait ni un centre d’artiste ni un musée, conciliant la liberté d’action de l’un avec les ressources de l’autre. Le besoin des artistes et l’intérêt de l’étranger sont réels, reste à convaincre les instances politiques et trouver le financement, ce qui n’est évidemment pas une mince affaire mais représente un merveilleux défi pour débuter en beauté le nouveau millénaire…

1 À titre d’exemple, notons la tenue de quatre expositions solo d’artistes québécois, Serge Clément, Clara Gutsche, Gabor Szilasi et John Max lors de la dernière édition de Encontros de Imagen à Braga, Portugal, ainsi que la présence d’Alain Paiement et du duo Nathalie Caron-Charles Guilbert lors de la 3e Tokyo International Photo-Biennale (printemps 1999).