John Akomfrah, Vertigo Sea — Jill Glessing

[Été 2021]

The Design Exchange Trading Floor, Nuit Blanche, Toronto
2.10.2016

Musée d’art contemporain de Montréal
10.02.2021 – 4.04.2021

By Jill Glessing

[Extrait]
La mer, tumultueuse, le ventre qui nous a fait naître, d’où nous nous sommes glissés il y a une éternité. Nous revenons à cette source – pour les traversées, la subsistance, le profit et le plaisir. Même si tant de mystères logent encore sous ces vastes surfaces liquides, nos pulsions anthropocentriques nous poussent à les contrôler et, sans doute, à les détruire.

L’essai vidéo à trois canaux Vertigo Sea (2015), de John Akomfrah, propose un environnement immersif en format panoramique, un montage puissant d’images fixes et en mouvement et de son, juxtaposés et superposés. Les mots « Oblique tales on the aquatic sublime » [Récits obliques sur le sublime aquatique], inscrits sur fond bleu uni, ouvrent le film, servant de sous-titre ou de description. C’est le premier texte à ponctuer l’orchestration son-image d’Akomfrah et à contribuer à l’éclectisme thématique du film. Des impulsions acoustiques rythmées, évoquant le tic-tac d’une horloge ou le bruit d’un marteau, accompagnent et renforcent l’idée de « sublime aquatique » ; ici, nous sommes invités à nous projeter dans la longue durée : l’intelligence primale des baleines, les siècles de grande abondance, avant que les humains n’entreprennent leur carnage industriel. Dans l’image centrale du premier triptyque du film, encadrée par deux vues en plongée du grand bleu, une main tient délicatement un réveil. C’est un récit universel : la mer comme espace d’histoire, de beauté et d’abondance qui, façonnée par les forces humaines, devient théâtre de désastre. Ces étendues d’eau, autrefois remplies de vie, sont devenues, au fil de la présence humaine, un cimetière où sont ensevelis nos crimes. Vertigo Sea est un lieu de mémoire pour tous ces gens soumis à l’esclavage, objets de trafic ou poussés à la migration qui y ont transité, ainsi que pour des siècles de pillage de la vie marine…
Traduit par Frédéric Dupuy

 

Suite de l’article et autres images dans le magazine : Ciel variable 117 – DÉCALÉ