[Printemps 2008|
par Jacques Doyon
La photographie occupe désormais une place de plus en plus importante dans les collections privées. La reconnaissance de la richesse et de la diversité de sa tradition, ainsi qu’ une augmentation non négligeable de sa valeur sur le marché de l’art ont accompagné ce développement. Aussi avons-nous privilégié pour ce numéro des collections qui prennent en compte la diversité des statuts de la photographie et intègrent des composantes de son histoire, tout en étant axées sur la création contemporaine.
L’image photographique occupe une place significative dans la collection de la fondation Hendeles, à Toronto. Ydessa Hendeles a en effet acquis des corpus majeurs de la photographie moderne, ainsi qu’un nombre impressionnant de photographies vernaculaires. Les différents projets d’exposition de la fondation mettent ces images en relation avec des œuvres et des artefacts de la culture visuelle pour explorer de façon critique les enjeux de l’histoire récente. Ainsi, Partners (The Teddy Bear Project), avec plus d’un millier d’images de gens photographiés avec leur ourson retraçant l’histoire de tout le siècle, et Predators and Prey, avec ses images de presse et de cartes à collectionner montrant l’engouement, puis la peur, qu’a suscités le zeppelin au siècle dernier, sont deux exemples où la photographie sert de catalyseur à une réévaluation de la mémoire récente.
Spécialiste de la photographie et galeriste, W. M. Hunt a assemblé une collection privée comportant plus d’un millier de portraits tous caractérisés par l’absence du regard. Ce très singulier assemblage de situations apparentes d’échec de la représentation constitue un ensemble très révélateur des affects et de la sociabilité sous-jacentes à l’acte photographique. Recoupant toutes les époques et tous les genres, cette collection s’offre de plus comme un condensé inusité de l’histoire de la photographie. Nous présentons ici un volet moins connu de cette collection, consacré à la photographie vernaculaire. Hunt y attache une grande importance, lui qui plaide volontiers la reconnaissance de la photographie amateur.
La collection de la famille Lazare est un bel exemple d’un ensemble qui démontre l’affirmation et le mûrissement d’un goût. D’abord intéressés par la peinture, Jack et Harriet Lazare se sont progressivement tournés vers la photographie, stimulés en cela par leur fille, elle-même collectionneuse de photographie contemporaine. Les portraits pictorialistes de Julia Margaret Cameron et les ambiances désolées des tableaux d’Edward Hopper, pour lesquels Jack Lazare confesse volontiers un grand attrait, permettent d’évoquer la sensibilité de cette collection de paysages et de portraits, tous marqués d’une certaine mélancolie déclinée autour d’enjeux contemporains.
Nous offrons enfin un aperçu des collections montréalaises d’Alexandre Taillefer et de Luc Larochelle. Chacune faisant une large place à la photographie contemporaine et comportant des œuvres fortes, ces deux collections sont indicatives de l’état du marché de la création contemporaine au Québec. Ensemble, ces cinq cas de figure témoignent de la diversité et de la complexité des collections photographiques privées.